Le corps.
Dans le thème "agents
religieux"
, on a vu que le corps est un médium qui peut communiquer à
part de la conscience. Le corps est intermédiaire entre la transcendance
et les relations sociales.
Mais la photographie, le cinéma, nos expériences "touristiques"
des autres nous confrontent d'abord à des corps étranges,
exotiques. Faute de les côtoyer, de les percevoir pleinement, regardons-les.
Les corps portent toute une connaissance, des manières de faire spécifiques,
vêtements, hygiène, ornementation, des performances corporelles,
sexuelles, physiques, artistiques, des gestes, attitudes marquant les sentiments
les plus divers.
Et puis, des milliers de corps massacrés par la guerre du Mozambique
et leurs visions cauchemardesques, maintenant encore dans les maisons, les
hôpitaux, des milliers de corps émaciés
Les corps sont aussi modelés, griffés, portent les traces
de leurs histoires, ils ont vécu et ils sont le produit du labeur
quotidien, d'événements historiques, de rencontres, de violences
et d'amours.
J'ai choisi de montrer les pieds parce qu'il y a une sensualité dans
le contact entre le pied et la terre et parce qu'on regarde, voit peu de
pieds.
Histoire extrait- Ungulani Ba Ka Khosa
-
Papa!
Une voix.
Il s'immobilisa.
Son corps pivota.
- Qui c'est?
Voix moribonde.
- C'est moi.
- Qui?
- Ton fils.
- Tu es mort.
- Je suis vivant.
- Tu n'existes pas.
Silence. Un jeune corps sortit d'une latrine aux cloisons de roseaux.
- Je suis ton fils João.
Lesmains de Maposse palpèrent le jeune corps; les doigts parcoururent
le visage et le cou et s'arrêtèrent sur les épaules fragiles.
Ils se regardèrent.
- Tu n'existes pas João.
- Je suis vivant.
- Personne n'est vivant. Nous sommes morts. Nous sommes des esprits angoissés
à la recherche d'une sépulture décente. La vie, c'est
pour les autres, João.
- Quels autres?
Maposse ne répondit pas. Il retira ses mains des épaules et
s'écarta de l'endroit, poursuivi par les mouches insatiables.
Ungulani Ba Ka Khosa. 1994. L'orgie des fous. Revue Noire .Nr. 15. P31-33. Traduction de Michel Laban.
- Pai!
Uma voz.
Estacou.
Rodou o corpo.
- Quem é?
Voz moribunda.
- Sou eu.
- Quem?
- O teu filho.
- Estás morto.
- Estou vivo.
- Não existes.
Silêncio. Um corpo jovem saiu duma latrina de caniços.
- Sou o teu filho João.
As
mãos de Maposse tactearam o corpo jovem; os dedos percorreram o rosto
e o pescoço, e detiveram-se nos ombros frágeis.
Olharam-se.
- Tu não existes joão.
- Estou vivo.
- Ninguéù está vivo. Estamos mortos. Somos espíritos
angustiados à procura duma sepultura decente. A vida está com
os outros, João.
- Outros , quem?
Maposse não respondeu. Tirou as mãos dos ombros, olhou para
o moço e retirou-se da zona, perseguido pelas moscas insaciáveis.
Danseur dans l'église de Zion. 1999.
Pieds
de la danse,
pieds qui battent le rythme, accompagnent le rythme des tambours, celui des
voix qui scandent, ces rythmes saisissent les corps et les emmènent
au-delà du quotidien. Les pieds permettent de voir le sol. Là
où on marche, on regarde aussi le sol, le sol de l'église semble
ferme et doux.