Ben
prend son temps. Il ne veut pas de noise dans son quartier entre les voisins
et sa famille ; le meurtre pour cette affaire, pour laver leur honneur (mais
la préoccupation de l'honneur se conjuguent avec celle des compensations)
ne vaut pas les années de prison qui le sanctionneraient. Les visiteurs
se mettent à ironiser. " Nous étions venus ici pour catanar
(port. Frapper à coups de machette) et au lieu de trouver des loups
chez notre vieux, nous ne trouvons que des agneaux ". La plus agressive
est la mère de la fille enceinte, la cousine de Ben.
Elle veut obtenir ce que la vieille d'à côté lui refuse.
Son obsession violente me fait même sourire. Je me dis que si violence
il y a, elle n'en sera pas la main, elle ne sera pas celle qui s'expose
à la loi de l'état que des violences physiques impliqueraient;
de plus, elle a à gagner la compensation que la famille veut obtenir,
sous la forme de bridewealth ou celle de la compensation pour avoir
mis enceinte sa jeune fille célibataire. L'ire des visiteurs est
dirigée contre la mère ; selon eux, c'est elle qui s'oppose
au second mariage de son fils. Ils veulent cinq millions de meticias de
compensation, équivalents à plus ou moins 430 dollars américains,
une somme énorme. Après cette discussion, dans la nuit, les
trois frères, le père de la jeune fille et Ben se lèvent
pour se rendre dans la famille. Ils reviennent avec trois chevreaux. Au
petit matin, ils y retournent, sortent des chaises, attrapent des poules,
des poussins. " On est loin du compte " me dit Thomas.
Alors que le va-et-vient entre la concession de Ben et celle de la mère du géniteur se poursuit, je vais rendre visite à quelques centaines de mètres de là, à la famille de la vieille décédée il y a six mois, où une cérémonie a eu lieu la soirée et la nuit passée. J'écrivais dans mes notes :
"Je suis allé à la maison des Chinogara. Excellente ambiance, tout le monde est plus ou moins bourré. C'est gai. Les gens ont l'air heureux de se voir, de se dire bonjour, de se "cumprimentar" (port. se saluer) sans cesse. On voit que quelque chose de bien s'est passé là. La vieille est partie tranquille. La prochaine cérémonie sera pour plus tard, mais dans la maison d'où elle venait, la maison de ses parents. Trois mois après le décès, la cérémonie s’était passée à l'église."
De retour chez Ben, je trouve tous les intéressés assis dans la concession, Steven, le fils de Ben est allé acheter de l'alcool à Macacata. La mère a changé d'avis, son fils pourra prendre une seconde épouse. Elle a donné de l'argent (qui paie l'alcool qui va se boire) qu'elle avait sous la main. Thomas, me dit en riant : "There was a sister there who was a little concrete headed - heated concrete, yeah - but by now I think those concrete stuffs there, are alright". (Angl. Il y avait là une soeur dont la tête était un peu trop dure, trop échauffée, mais maintenant je pense que cela s'est ramolli dans sa tête "). Ils devront payer la bridewealth, mais son paiement sera étalé et négocié, au contraire de la compensation qu'ils exigaient immédiatement, laissant deviner que le but poursuivi est la réintégration de la jeune fille dans la famille de son amant (la conformation habituelle). Nous sommes dimanche, durant la semaine le frère du géniteur ira au Zimbabwe consulter le grand frère qui devra donner son accord final. En attendant leur nièce, fille, rentrera avec eux, elle ne pourra pas avoir de contact avec son amant. Que se passera-t-il si le grand frère n'avalise pas l’accord arraché ? S'il refuse que son petit frère prenne une seconde femme (et que soit payée la bridewealth)? Thomas me répondit:
"Aah, this big brother, I know him, he is an alright guy, he is a good guy. As the others, the younger brother, the one who is sick, Tendai, we grew up together you know they are good guys, no problem". Ce grand frère, je le connais, c’est un bon gars, Tout comme les autres, le plus jeune frère, celui qui est malade, Tendai, nous avons grandi ensemble, ce sont de bons gars, pas de problème. |